lundi 27 octobre 2008

Conférence de Sayuki-san

Sayuki c'est la première "blanche" à être véritablement devenue geisha. En fait, c'est une anthropologue  et elle a décidé d'aller étudier au coeur de son sujet: l'anthropologie sociale en général et la culture japonaise en particulier.  Une de ses collègues avait fait la même chose qu'elle quelques années auparavant, cependant elle n'était qu'apprentie et n'était jamais passée geisha.

J'étais donc invitée par Keio a une conférence organisée par le Tokyo Mita Club qu'elle donnait à l'Imperial Hotel. Un des hôtels les plus prestigieux de Tokyo, qui reçoit régulièrement des chefs d'Etats.  D'ailleurs j'ai carrément galéré à trouver la salle privée du Tokyo Mita Club (une association d'anciens élèves qui ont pour but d'aider les étrangers en lien avec Keio, professeurs ou étudiants, à profiter un maximum de leur séjour). On m'avait dit que la salle était au premier sous-sol, une fois descendue mon cauchemar s'est matérialisé sous la forme d'un dédale de boutiques de luxe. Heureusement j'ai trouvé deux commerçants qui ont pu m'aiguiller dans un anglais approximatif. C'est typiquement le genre d'endroit qui vous font ressentir le fait que vous êtes pas du tout à votre place.

Enfin bref, pour en revenir à la conférence, on a eu un accueil exceptionnel, d'ailleurs vous pouvez voir sur la photo qu'on nous avait réservé la table la mieux placée. Le repas a été entièrement financé par l'association (cependant on avait aucune certitude jusqu'à la fin du repas, les français qui étaient avec moi ayant d'ailleurs grassement profité du fait qu'en théorie ils n'allaient rien payer). Ca fait un bien fou de boire un bon vin, même si on a massacré ses arômes en le servant à 10°C alors que c'est du vin rouge! 

La présentation était entièrement en japonais, à l'exception de quelques vidéos en anglais que Sayuki commentait en japonais. D'ailleurs on a pu voir quelques extraits de son prochain film, destiné à briser les clichés sur les geishas. En effet, aujourd'hui le monde des geishas est très éloigné de celui de la prostitution. En revanche cette frontière a pu être plus floue auparavant, mais à l'origine une geisha est une artiste, et une femme d'affaire vous dira Sayuki. D'ailleurs, les premiers à exercer ce métiers étaient des hommes, ce n'est que par la suite que ce rôle a été accaparé par les femmes.

Après la conférence on a pu s'entretenir pendant près d'une demi heure avec Sayuki, j'ai retenu une question en particulier: "Est-ce que le but de votre métier n'est pas de faire plaisir aux hommes". C'est à la suite ce cette question qu'elle nous a présenté sa vision de la geisha artiste et femme d'affaire, parlé du fait que cette profession était à l'origine masculine, de l'extrême difficulté de l'entrainement (il faut maîtriser plusieurs arts comme la musique et la danse, se spécialiser dans un en particulier, savoir faire la conversation, connaître des jeux pour distraire vos clients, savoir quel kimono porter en fonction de l'occasion, savoir s'asseoir, savoir marcher, etc...). Elle a également longuement insisté sur l'absence de toute connotation sexuelle dans ce métier. Je crois qu'elle a tendance à pas mal occulter le passé et à quelque peu idéaliser le monde dans lequel elle vit desormais. Et d'un autre côté ce qui m'avait frappé (mais les gars avec qui j'en ai parlé n'ont pas eu cette impression, d'un autre côté ce sont des hommes :P) c'est le peu de passion dans la façon dont elle parle de son métier. Elle en parle vraiment comme une "occasion unique qu'il fallait saisir", en tant qu'anthropologiste, mais finalement on a très peu entendu parler la geisha. Si l'entrainement n'était pas si dur j'en viendrais à me demander si on peut vraiment parler d'elle comme d'une authentique geisha et pas seulement comme une anthropologiste dans un costume de geisha qui veut faire un énorme coup marketing pour sa carrière. 

Dans le coeur de la conférence elle nous a surtout parlé du fonctionnement d'une geisha house. Il faut savoir que le système de Tokyo est bien plus ouvert que celui de Kyoto (elle n'aurait sans doute pas pu devenir geisha à Kyoto, il y a une énorme rivalité/animosité entre l'Ouest et l'Est du Japon, il faut le savoir). La geisha house est surtout un vestiaire, les geisha ne vivent pas toutes là bas. Petite anecdote en passant, quand elle est en geisha, Sayuki porte des lentilles noires. En réalité elle a les yeux verts et comme elle le disait elle même "le maquillage blanc et la coiffure des geishas est idéal pour sublimer la beauté des japonaises, mais il n'en est pas de même pour les occidentales". Elle porte aussi une perruque, mais c'est moins original puisque de nombreuses geisha japonaises le font également. D'ailleurs, elle ne nous a pas révélé son âge, comme le veut la tradition. Cependant je lui donnerai environ 35 ans, on voit clairement des rides aux coins de ses yeux. En parlant d'âge, le système de hiérarchie au sein d'une geisha house est assez particulier. Comme on ne révèle pas son âge, toutes les geishas ayant accédé à ce statut avant vous deviennent vos grandes soeurs et vous devez les traiter comme telles, avec les marques de politesse qui conviennent (même si elles sont manifestement beaucoup plus jeunes que vous). De même, toutes les geishas qui le sont devenues après vous seront vos petites soeurs et vous traiteront avec le respect du à votre rang hiérarchique. 

Pour ceux qui veulent en savoir un peu plus et que la langue de Shakespeare ne rebute pas, il y a cet excellent article de l'Independent que j'ai trouvé sur internet.

Cette conférence aura aussi été l'occasion de parler avec des businessmen japonais. C'est assez frappant de constater que si la plupart parle un anglais absolument dégeulasse, il en est tout autre de leur français. J'ai donc eu une discussion assez intéressante sur les poupées traditionnelles japonaises, sur le fait que chaque région avait sa propre "spécialité" et que si jamais je voyageais c'était une bonne idée d'acheter des poupées dans les différentes villes où je pouvais aller afin de constater ces différences (enfin personnellement j'ai un faible pour les kokeshi, mais à priori même elles diffèrent, surtout leur costume qui a une signification particulière). D'autres ont eu droit à des discours plus classiques du type: "si vous voulez faire du commerce avec mon entreprise" ou "en ce moment on embauche". Mais ce genre de discussions ne m'intéressera pas avant quelques petites années. 

6 commentaires:

Anonyme a dit…

la Turquie peut "quand meme " être considéré comme faisant de l'Europe. Par contre le Maroc, a moins que les japonais voit le pays comme étant encore une colonie francaise.....

Korari a dit…

Pour la Turquie, 3% de son territoire est sur le continent européen. 97% en Asie. Faut vraiment être très très souple pour considérer que c'est en Europe. >_<

Anonyme a dit…

ah mais c'est grâce à ces 3% qu'ils veulent rentrer dans l'Union Européenne. ;D

Korari a dit…

D'ailleurs, tu te rends compte que tu comentes pas sur le bon article, hein ?

Anonyme a dit…

C'est marrant de voir que de plus en plus d'occidentaux soient reconnus dans des domaines typique de la culture japonaise qui est réputé pour être difficile d'accès.
Par exemple en ce moment, y a Mahlyanov Stefanov, un bulgare, qui est en train de cartonner en sumo, sport national, à un niveau jamais atteint auparavant par un européen...le truc fun c'est que les japs pleurent du fait que les lutteurs européens sont plus grands et ont une plus grande allonge et que du coup ça désavantage les lutteurs nippons ^^.

Manuel a dit…

Intéressant article

Je ne savais pas pour l'animosité entre l'est et l'ouest du Japon, quel en est la cause ?
Un rapport entre le passage de Kyoto à Tokyo comme capitale ? (ça remonte loin quand même).

Pour cette femme geisha occidentale, c'est surtout qu'elle a dû très bien apprendre les codes culturels nécessaires pour le devenir, du coup elle doit ressentir une certaine fierté, une forme de défi remporté.
Mais je me gourre peut être totalement ...