lundi 20 juillet 2009

Carnet de voyage III: Hiroshima, entre légereté et pesanteur.

* Vous êtes toujours coincés dans cette -biiip- de faille spatio-temporelle, bienvenue en mars! *


Hiroshima est vraiment LA ville que je voulais voir avant de quitter le Japon. Pas qu'elle soit spécialement belle, le centre-ville est même plutôt triste malgré quelques jolies avenues (où je me suis d'ailleurs retrouvée obligée de marcher pieds-nus à cause de chaussures sadiques, je vous raconte pas la tête des japonais qui me croisaient). Dans ma tête Hiroshima c'était surtout un gros bout de l'histoire la plus sombre de l'humanité, je parle bien évidemment de la bombe A. Mais j'ai eu la surprise de découvrir un peu plus que ça, le château qui veille sur la ville et les fleurs de cerisiers donnant une teinte beaucoup moins dramatique à l'ensemble.

On est arrivé assez tard dans la ville, après une rapide installation dans notre hôtel nous avons donc directement filé vers le tristement célèbre Dôme de Genbaku (ou encore Dôme de la bombe atomique). On en a évidemment tous vu des photos dans nos livres d'histoire, voire des reportages à la télé. Mais avoir ce "témoin" devant soi c'est clairement quelque chose d'autre, on prend soudainement conscience de la puissance que peut avoir une bombe atomique et de l'ampleur des destructions qui peuvent être causées par elle. Tout cela devient subitement beaucoup plus réel, à travers les murs calcinés, lézardés qui semblent avoir littéralement fondu par endroit.


Difficile de rester de marbre devant ce paysage, heureusement que les arbres alentours adoucissent un peu l'amer ensemble. Après quelques minutes passées à observer le bâtiment survivant sous tous les angles, nous nous sommes dirigés vers le Mémorial de la paix et son musée, se trouvant de l'autre côté de la rivière, à quelques pas de là.


Le pont visible au loin était la cible de la bombe, très reconnaissable par sa forme en T.



Un autel a été construit sur une grande place où un peu plus loin on peut aussi observer la flamme atomique toujours en train de brûler (il me semble d'ailleurs qu'elle était d'ailleurs éteinte le jour de notre visite... je ne sais pas pourquoi les japonais adorent ce genre de symboles fabriqués de toutes pièces). Au milieu du monument se trouve la liste des victimes de la bombe. Un petit bassin se trouve devant l'autel, dans lequel sont immergées des plaques commémoratives traduites en de nombreuses langues, dont le français. J'ai bien eu du mal à prendre l'ensemble tant les groupes de touristes semblaient se plaire à débarquer dès que je dégainais mon appareil photo (on a fait plusieurs tests, incroyable)! C'est finalement après avoir visité le musée que j'ai pu avoir ma photo, au prix d'une course effrénée pour arriver avant... un groupe d'une quarantaine de touristes.


Mais avançons un peu plus en direction du musée, qui est vraiment incontournable sur le plan touristique mais aussi historique, nous verrons pourquoi il est si intéressant plus tard....

Avant d'entrer dans le musée à proprement parler, faites un passage vers l'horloge qui se trouve dans le hall. Elle est assez particulière dans son mécanisme et, surtout, elle sert à marquer depuis combien de temps il n'y a pas eu d'essai nucléaire dans le monde. Elle a donc été malheureusement assez régulièrement remise à 0 ces derniers mois à cause des fantaisies de la Corée du Nord et de leur "Cher dictateur" qui va, on l'espère, ne plus tarder à casser sa pipe!



Concernant l'intérieur du musée, il est construit sur deux étages mais comporte 3 parties. La première est très historique, avec des explications sur la façon dont les japonais civils vivaient la guerre et surtout de nombreux documents d'archive qu'il est extrêmement instructif de consulter. Ces documents montrent, entre autres, clairement que les américains pensaient à utiliser la bombe A au cours de la guerre afin de justifier son coût de fabrication, quand bien même on les avait averti que sans garantir aux japonais que le système impérial ne serait pas démantelé (la personne de l'empereur étant sacrée, à l'époque) ces derniers refuseraient de rendre les armes sans qu'on les écrase massivement. Et c'est effectivement ce qui s'est passé, à partir de là on peut douter que les américains aient réellement cherché à éviter par tous les moyens l'emploi de la bombe. Mais de l'autre côté, il ne faut pas occulter le fait qu'il n'y a jamais un unique conseiller quand il s'agit de questions aussi cruciales. Celui qui avait tout compris au problème avait-il une crédibilité totale? Impossible de le savoir à partir des informations données par le musée, mais c'est à mon avis la source de l'animosité entre japonais et américains.



Cette partie du musée présente également deux maquettes avant/après relativement impressionnante.



La deuxième partie de l'exposition avait davantage pour sujet les effets de la bombe que ça soit sur les humains, sur les phénomènes naturels ou encore sur les différents matériaux. Cette partie était de qualité inégale, j'ai trouvé très dommage qu'à la fin on tombe carrément dans le pathos. C'est à dire que vous allez avoir 10 vitrines différentes avec des vêtements, des cheveux, des jouets et un petit encadré vous expliquant comment une fillette de 10 ans est morte dans d'atroces souffrances, après plusieurs heures ou jours de lutte, dans les bras de ses parents qu'elle a héroïquement pu rejoindre malgré ses blessures. Un ou deux récits du genre auraient à mon avis amplement suffit, mais on comprend mieux le but du musée lorsque l'on visite la 3ème partie de l'exposition: pourquoi le démantèlement nucléaire est nécessaire.

Et cette partie ne prend jamais réellement en compte le nucléaire ainsi qu'il est vu aujourd'hui: une arme de dissuasion. Du coup comme je connaissais déjà les données, j'ai purement et simplement zappé cette partie. A mon avis en refusant de prendre la question dans son ensemble et de se placer dans un contexte moderne où plus personne n'envisage l'arme nucléaire comme une arme de combat (à part quelques allumés du cocotier, et encore c'est pas certain) ils sont passé à côté de leur sujet. Ce qui ne veut pas dire que la prolifération c'est génial, attention, juste que leurs analyses reposent à mon avis pas assez sur les bonnes hypothèses.

Pour en revenir au thème de la deuxième partie, voici 3 photos qui à mon avis la résument bien. Un mur ayant reçu de la pluie radioactive (noire) qui tomba au cours des jours suivant l'explosion. La langue d'un irradié qui a développé des maladies liées à la radioactivité. Et le tricycle d'un enfant.





A ce stade de l'article vous devriez commencer à avoir bien les boules et à vous sentir quelque peu mal à l'aise. Il est donc temps de passer à la partie un peu plus joyeuse: les cerisiers en fleurs et le château d'Hiroshima.

Bizarrement on n'entend jamais parler du château d'Hiroshima, qui est pourtant classé trésor national. Il a été détruit en 1945, mais sera reconstruit en 1958 avec des méthodes qui sont d'ailleurs assez peu traditionnelles (vive le béton armé). Mais l'aspect extérieur n'en pâti aucunement, on a pas eu l'occasion d'aller à l'intérieur parce qu'il était déjà trop tard donc je ne peux témoigner sur cette partie. En tout cas le jardin qui l'entoure est tout à fait charmant, surtout à la période où nous étions (les fleurs de sakura étaient alors ouvertes à environ 70%).










3 commentaires:

Manuel a dit…

L'arme atomique sert pour imposer sa vision du monde, après Hiroshima les Etats-Unis sont devenus l'Hyper-puissance et ont pu ainsi dicter les règles géopolitiques, l'URSS les a rejoint peu après dans le bal, ainsi que la Grande Bretagne, La France et la Chine, comme par hasard les 5 membres du conseil de sécurité de l'ONU.

Sur le plan militaire c'était "inutile" vu que le Japon était déjà exsangue et aurait de toute façon capitulé malgré l'acharnement de ses dirigeants militaires, ils étaient rendus au même point que l'Allemagne 4 mois plus tôt.


Tout ça pour dire que ce 6 août 45 est un jour noir pour l'Humanité, rien ne justifiait cet acte ainsi que les bombardements massifs de villes civiles, quelque soit le pays touché par ailleurs.

Les Alliés se sont ainsi abaissés au même niveau que leurs ennemis.

Manuel a dit…

Je pensais à Guernica.

Unknown a dit…

Personnellement je pense quand même qu'il y a eu moins de morts avec la bombe atomique que s'ils avaient du continuer à lutter militairement via la voie normale. C'est pas dans la mentalité des japonais de se rendre, ils auraient lutté ou se seraient suicidés comme à Okinawa où 4000 hommes se sont fait sauter quand la situation est devenue désespérée. Les civils aussi étaient énormément sous pression.

Le truc c'est que quelqu'un leur avait filé la méthode sur "comment faire capituler les japonais" et c'était très simple. L'empereur était alors officiellement un descendant direct d'Amaterasu, la déesse du soleil. Donc forcément vu qu'un avait un statut quasiment divin il était pas question pour les japonais qu'on le vire de son trône.

Mais ça faisait aussi chier les américains qui sentaient qu'avec l'empereur bénéficiant d'un tel statut ils ne pourraient jamais vraiment s'imposer au Japon. A mon sens pour ça qu'ils ont laissé l'empereur en place après la guerre, à la condition que son statut change (il n'est désormais plus une personne sacrée). Mais y aurait sans doute eu moyen de trouver un compromis avant de leur larguer deux bombes atomiques sur la gueule. Mais j'ai l'impression qu'encore une fois les Etats-Unis avaient pas fait un réel effort pour comprendre comment la culture qu'ils avaient en face d'eux fonctionnait avant d'agir. Bref, délit d'ethnocentrisme qu'ils font assez régulièrement dans toutes les guerres où ils sont impliquées (qui a dit que c'était complètement con de renvoyer la milice de Saddam Hussein, des militaires très entrainés qui du jour au lendemain se sont retrouvés sans rien alors qu'ils étaient juste des pions du système ?).