vendredi 14 novembre 2008

La version japonaise du casse-tête.


Le Japon est un pays assez paradoxal en matière d’écologie. Je vous avais déjà dit que les fruits étaient systématiquement emballés, parfois individuellement, et pour les plus beaux on pousse même le vice jusqu’à mettre un filet de protection anti-choc. Mais ça ne s’arrête pas là, quand on va dans un kombini et qu’on achète quelque chose à manger ou une boisson en carton, on va vous donner les couverts en plastique ou la paille qui vont avec. Et pas des couverts en plastique bas de gamme, non, des couverts en plastique super rigides et d’une dimension largement au dessus de la moyenne. Bref, ce ne sont que des exemples, mais pas besoin d’être un génie pour déduire que le mode de vie des japonais génère énormément de déchets.

Toutefois, ils ont une politique de recyclage très stricte et apparemment plutôt bien suivie puisque près de 20% des déchets sont recyclés à ce jour. D'un autre côté, lisez ce qui suit et vous verrez qu'on a pas vraiment le choix, ici le recyclage n'est pas une option.

Au Japon il n’y a pas de local poubelle, ou alors ils sont tellement bien planqués que j’en ai jamais vu. De fait, vous devez descendre vos déchets le jour du ramassage, laissant les sacs devant votre immeuble, à même le sol. D’ailleurs les sacs ont ainsi une chance non négligeable de se faire massacrer par les corbeaux, je vous reparlerai de ces saletés un peu plus loin.

Mais là où ça commence à devenir un peu plus drôle, c’est que si le ramassage a lieu en général au moins 4 fois par semaine (ça dépend de votre arrondissement) tous les types de déchets ne sont pas pour autant ramassés le même jour… Donc déjà il ne faut pas se planter de jour, ce qui pour quelqu’un comme moi, comprendre qui ne sait jamais quel jour on est, est plutôt compliqué.

Avec tout ça, on en vient petit à petit aux catégories de déchets, et c’est là où ça devient encore plus drôle. Il y a donc les déchets recyclables, les déchets combustibles (ramassés 2 fois par semaine) et les déchets non-combustibles. Ca ne vous parle pas dit comme ça ? Et bien à moi non plus ! Et franchement il y a de quoi devenir complètement dingue. J’ai beau régulièrement réviser mes ordures, je suis toujours aussi nulle (ça fait vraiment pitié dit comme ça).

Commençons par ce qui est recyclable. La veille du recyclage on va mettre en bas de votre immeuble 2 petites caisses en plastique, une bleue et une jaune. La bleue est prévue pour accueillir les bouteilles en verre. La jaune est là pour accueillir les canettes/bouteilles en métal (hors aérosols). Et enfin, il y a un filet transparent où on doit mettre les bouteilles en plastique. On peut aussi en profiter pour balancer du carton, mais si vous en avez beaucoup vous allez encore une fois vous faire chier, parce qu’il faut trier les types de cartons papiers par famille et les attacher ensemble. Ouais rien que ça ! Donc votre vieille pile de journaux, faut la ficeler après avoir pris le soin de plier chaque journal en 4. Même traitement pour votre pile de magazines, sauf que là pas besoins de les plier (les japonais ne sont pas non plus des nazis du recyclage). Évidemment tout ce qui est à recycler doit être parfaitement propre, en théorie on est censé laver les bouteilles qui contenaient autre chose que de l’eau (j’insiste lourdement sur le en théorie).

La corvée de recyclage terminée, passons aux déchets combustibles. Là non plus ce n’est pas triste. Si le mode de fonctionnement est simple (juste à poser la poubelle au pied de l’immeuble), le tri est encore plus galère ! Sont donc considéré comme combustibles : les restes de nourriture (j’imagine donc qu’un cafard est combustible, pour répondre à Nadia), les plantes/branches/feuilles en petite quantité, coupés en morceaux d’environ 50 cm et attachés ensemble, les vêtements, les matières grasses non liquides, le papier (ouais, c’est pas recyclable) et les coquillages (ce qui n’est pas franchement évident). Pour le reste, démerdez vous ou faites comme moi, mettez tout dans la poubelle non-combustible ! Je sais, je suis une vilaine fille, mais j’ai une vie moi !

On pourrait donc définir les déchets non combustibles comme étant « tout ce qui va pas dans une autre catégorie ». En gros ça comprend tout ce qui est en plastique, les aérosols, les appareils électriques de petite taille (qui en France sont à mettre dans la poubelle jaune du recyclage), le verre cassé (et on est censé coller une étiquette « dangereux » sur le sac), tout ce qui est en cuir, tout ce qui est en caoutchouc, tout ce qui est en aluminium, les néons et les piles.

On peut donc résumer tout ça en quelques mots: c’est tellement le merdier qu’il faut avoir un BTS recyclage pour jeter ses poubelles au Japon.

En plus, même si vous êtes ultra consciencieux et dévoué pour la nature, les corbeaux peuvent donc tout foutre en l’air (au sens propre, même si le résultat est plutôt sale). Ici les corbeaux n’ont rien à voir avec les petites corneilles françaises, qui passeraient pour des moineaux face à leurs homologues nippons. Un corbeau ça fait environ 50cm de haut. L’autre jour quand je suis sortie, il y avait un bon gros corbeau posé sur la petite pile de sacs poubelles se trouvant à l’entrée de mon immeuble. La bestiole m’arrivait au niveau du visage. Et à la vue de son bec bien long et bien pointu je ne faisais pas la fière, c’est le genre de scène qui nous rappelle immanquablement les Oiseaux de Hitchcock, avec la musique de Psycho en fond sonore.

D’ailleurs, le maire de Tokyo lutte apparemment sans relâche contre ces oiseaux de malheur. En tout cas c’est ce que j’ai lu sur le site « Le Japon pour pas un rond ». Site un poil extrême dans sa définition de « pour par un rond », qui vous explique où sont les meilleurs endroits pour poser sa tente à Tokyo (et au passage sympathiser avec les SDF qui vous entoureront) et surtout… comment chasser les corbeaux.

Allez, morceau choisi :
« Le plus facile c'est de tendre un piège, vous devrez d'abord trouver une poubelle public munie de filets de protection, une fois la poubelle idéale trouvée, il ne vous reste plus qu'a relever le filet et le tendre de manière a laisser assez de place pour que les karasu (corbeaux) puissent pénétrer a l'intérieur. Vous pouvez, par exemple, vous positionner caché derrière la poubelle, mais les karasu n'ayant pas peur des hommes ce n'est pas la peine d'élaborer une technique de camouflage surdéveloppée. Une fois que le karasu se sera introduit sous le filet ce sera un jeu d'enfant de l'attraper en relâchant ce dernier sur lui. Ensuite, a vous de jouer pour le vidage de tripes, etc... ». J'en ai l'eau à la bouche!

J’ai envie de dire, ils sont fous ces gaulois !

4 commentaires:

Manuel a dit…

J'avais lu un article dans le courrier international sur le tri de déchet et finalement ton récit donne une idée plus précise que ce qui était dit.

En fait il ne faisait pas mention du ramassage plusieurs fois par semaine, bizarre ça, ça doit donc être fait par des boites privées qui gèrent un type de déchet à la fois (ou leur service public est encore plus zarbe que le notre).

Ou alors ils aiment se compliquer la vie. C'est dans ce genre d'anecdote que les divergences culturelles apparaissent, j'ai quand même l'impression que leur méthode est assez peu rationnelle et très compliquée pour pas grand chose.

Le papier non recyclable!!! Wow avec leur consommation de presse et de mangas ça doit être la fête 0_o.

Va savoir, peut être développent-ils un art du recyclage aussi fin que celui du thé.

Korari a dit…

Justement, la presse et les mangas sont recyclables. Ca rentre dans la catégorie magazine (les mangas tu les garde chez oti ou tu les revends, mais les mag genre shônen jump tu peux les balancer).

C'est les feuilles de papier and co qui sont considérées comme non-recyclables. Peut être parce que si on écrit dessus avec certains produits ça devient la merde, j'en sais rien.

Manuel a dit…

A oui en effet c'est une possibilité.

Vu les tirages de presse locaux je me disais aussi, 10 millions d'exemplaires pour le premier quotidien (Yomiuri Shinbun), Ouch!!!! 8 Millions pour l'Asahi (double Ouch!!!), 10x plus qu'en France.
Les mangas innombrables etc ...


Aucun autre pays n'a un volume de presse si important (même les Etats-Unis).En matière d'édition de livres ça doit être dans les mêmes proportions (quoique c'est moins jetable et comme la place est un souci, à voir).
En tout cas ce sont de gros lecteurs.

Tiens ça serait intéressant de voir s'ils font traduire beaucoup de livres étrangers (vu l'ouverture sur l'extérieur depuis 150 ans j'imagines que oui).

(Ha oui on parlait recyclage à la base, oups ^^).

Korari a dit…

Pas facile de trouver des livres en anglais. Il y a environ 3 gros magasin de livre vers chez moi (80 à 100m² de surface, plusieurs étages parfois) et il n'y a rien en anglais. Je me fournis à une gare routière (bus qui vont aux aéroports) à 2mn de chez moi où ils ont un peu de presse jap en anglais et quelques bouquins (une trentaine de romans). Si je veux plus de choix faut que je me déplace dans une librairie spécialisée (qui ressemblent plutot à d'immenses supermarchés de bouquins).