jeudi 25 décembre 2008

"Korari-sensei"

Le bon plan pour se faire un peu de maille quand on est au Japon c'est de donner des cours de langue. Le français est une langue extrêmement populaire dans l'archipel nippon, et tout spécialement à Tokyo. Je remercie chaleureusement les clichés sur la France dans lesquels les japonais se complaisent à foison, sans quoi je suis vraiment pas certaine que j'aurais trouvé un petit boulot me permettant d'arrondir mes fins de mois.

La bonne bouffe, les cabarets, l'opéra, les musées, bref, tout ce qui renvoie à une idée de raffinement à la française c'est extrêmement vendeur au pays du Soleil Levant. Je trouve d'ailleurs cela marrant que ces aspects de notre culture, qui marquent finalement assez peu la vie d'un français moyen, aient un pouvoir d'attraction aussi fort auprès de populations immergées dans une culture au moins aussi riche, voire plus, surtout qu'ici une bonne partie rythme réellement leur vie quotidienne. Alors que quand on voit ces jeunes japonaises rêver d'une France version Versailles, du point de vue d'un français qui connaît la réalité des choses, ça fait doucement rire.

Enfin bon, tout ça ne nous dit pas comment on devient professeur de langue au Japon. Première chose, pas besoin de diplôme prouvant qu'on a la moindre capacité à enseigner. Deuxième chose, il existe des sites spécialisés dans la recherche d'élèves/enseignants. Le principal site pour ce genre d'annonce c'est FindStudent.net, entièrement en anglais pour plus de facilité pour nous pauvres gaijins. Ce site est en relation directe avec un autre s'appelant NativeSensei, tout en japonais. Les annonces postées sur FindStudent sont traduites en japonais et apparaissent sur NativeSensei où elles sont consultées par les japonais aspirant à devenir élèves.

Le choix de langues est de fait très vaste. Et côté élèves, c'est aussi très hétéroclite. On va trouver à peu près autant de garçons que de filles d'après ce que je sais (alors que du côté enseignant il y a surtout des filles), des lycéens, des étudiants, des employés. Certains étudient la langue pour leur propre plaisir, d'autres dans un but professionnel. C'est à chaque fois autant de critères à prendre en compte pour réaliser ses cours. Car on ne va pas enseigner à quelqu'un qui veut simplement découvrir un peu la langue française dans un but ludique comme à quelqu'un qui en a régulièrement besoin dans son travail.

Personnellement j'ai de la chance, j'ai pour élève un employé de 45 ans dans une grosse compagnie pharmaceutique japonaise, qui apprend diverses langues par passion et qui a un niveau intellectuel très élevé (il a fait Todai, la meilleure université du Japon, à côté Sciences Po fait un peu pitié). Son niveau n'est pas extraordinaire mais il comprend relativement bien ce que je dis, j'ai vraiment pas à me plaindre de ce point de vue. Son objectif est d'améliorer son niveau en conversation, on travaille donc en faisant de la conversation libre ainsi que sur des articles qu'il choisit et prépare pour chaque séance (quand on arrive en fin de séance on a généralement plus grand chose à se raconter).

Auparavant il était élève chez Nova, une énorme entreprise qui employait des milliers d'enseignants mais a fini par faire faillite l'an dernier à l'issue d'un énorme scandale. Le patron s'est notamment tiré avec la caisse et plusieurs mois de salaires n'ont pas été payés aux enseignants employés par cette entreprise. Un joli fiasco en règle. Aujourd'hui il n'existe apparamment plus vraiment de structure pour l'enseignement des langues donc chacun se démerde de son côté, avec les inconvénients que ça comporte pour les élèves qui ne peuvent avoir aucune certitude sur la qualité (d'où l'importance d'être le plus rassurant et alléchant possible dans son annonce).

L'inconvénient d'absence de structure pour les enseignants c'est qu'il est à priori plus difficile qu'avant de trouver des élèves. Et côté sécurité on a encore moins de couverture, d'où l'importance d'être vraiment prudent. La règle de base c'est de ne jamais accepter de donner des cours à domicile à moins de vraiment bien connaître ses élèves ou leur famille, ou encore que l'élève soit de même sexe, la première rencontre devant systématiquement se dérouler dans un lieu public. Il est d'ailleurs tout à fait courant de donner des cours dans des cafés, c'est moi-même ce que je fais. Il faut également bien penser à calculer le coût du trajet, qui peut très rapidement grimper à Tokyo, et ne pas hésiter à se faire payer ses consommations (sans abus évidemment, allez pas prendre un Large Caramel Macchiato ou votre élève vous fera la tronche et aura sans doute bien raison!). D'ailleurs n'oubliez pas de négocier ce genre de choses dès le début, ça montre aussi que vous savez ce que vous faites.

Dernier point qui me paraît essentiel: comment gérer des débutants. Même sans parler japonais il est possible de donner des cours à des débutants, à condition qu'ils parlent un peu anglais, ce qui est souvent le cas des japonais s'intéressant aux langues étrangères. Pour que cela fonctionne il suffit d'appliquer ce qu'on appelle la méthode directe: on ne parle qu'en français. La compréhension des structures se fait au moyen d'exemples qui doivent être nombreux et bien ciblés. On donnera des listes de vocabulaire anglais/français ou japonais/français à l'élève pour qu'il puisse se constituer un petit bagage lui permettant rapidement de maîtriser les bases. Et on donnera le minimum d'explications qui restent nécessaires dans un anglais simple et à l'écrit. Dans ce cadre, apprendre dès les premières leçons ce qu'est un adjectif, un nom, un verbe, etc.. peut être tout particulièrement utile.

8 commentaires:

Manuel a dit…

Si je piges bien tout, tu peux faire ça sans même parler un mot de japonais, ou presque (du moment que tu as un peu d'anglais).

Une connaissance avait fait ça sans trop connaître la langue (il était parti là bas en total freestyle), bon après il se l'ai peut être un peu raconté mais ça semblait en effet assez facile.

-Les facs japonaises recrutent leurs élèves via des concours à ce que je sais, donc en fait il n'y a pas vraiment d'enseignement supérieur accessible à n'importe qui avec un simple diplôme de fin d'études secondaires ?
(dans le modèle de nos chères universités surpeuplées et désargentées car il suffit d'avoir le petit papier du bac, et vu le niveau du bac actuel, à part les généraux et encore...).
D'ailleurs ça donne quoi là bas les fac ? Plutôt bien j'imagines.

Anonyme a dit…

C'est vrai que l'enseignement d'une langue peut-être un bon filon pour un étranger qui veut arrondir ses fins de mois :)

@Manuel : Alors si je dis pas de bêtises, la quasi-totalité des universités nécessitent de passer un concours d'entrée. Les concours ont lieu généralement entre Janvier et Mars. Il faut savoir qu'ils n'ont pas le même calendrier scolaire que la plupart des occidentaux. L'année scolaire se finit fin Mars pour reprendre début Avril. Il y a juste un battement d'une ou 2 semaines entre la fin et la rentrée scolaire.

A la fin du lycée ils reçoivent un diplôme de fin de cursus du secondaire. A partir de là, en fonction de leur niveau d'étude, les étudiants japonais tentent de passer des concours. Il me semble également que certaines universités, généralement les moins bien cotés, peuvent recruter sur entretien.

Pour ce qui est de la qualité général du système éducatif japonais, l'OCDE, qui chaque année fait un classement des systèmes éducatifs des pays industrialisés, plaçait généralement le Japon en 2nd place derrière la Finlande. Il y a un énorme effort de fait sur l'enseignement qui représente pour les japonais une priorité importante pour le bon développement général de leur société. Des dépenses et des efforts constants sont fait pour garantir un enseignement de qualité. Les profs tentent d'être disponible pour les élèves et ses derniers ont accès à de nombreux cours de soutien pour les aider à surmonter leurs difficultés.

Pour te donner une idée, lors du dernier classement publié, la France était classée au 19ème rang, un classement extrêmement mauvais surtout pour son rapport dépense/qualité d'enseignement. Le Japon doit dépenser autant que la France dans l'enseignement pour des résultats bien meilleurs (mais bon ce n'est peut-être pas une donnée pertinente étant donné que le coup de l'éducation, contrairement à la France, est prohibitif au Japon)

Bon enfin voilà, je sais pas si tout ça est juste, je laisserais Koko faire des rectificatifs :) D'ailleurs, ça serait bien un article complet sur l'enseignement japonais. Tu nous prépare ça Koko ? :x

PS : La vache, ce pavé :x

Korari a dit…

Le truc c'est que j'ai pas plus de données que vous sur le système scolaire japonais. Eux-même savent pas grand chose sur comment ça marche (comme souvent). Mais j'vais essayer de regarder dans 2/3 bouquins que j'ai puis sur le net.

En revanche pour les vacances tu te plante. Ils ont ENORMEMENT de vacances scolaires. 2 semaines à Noël, la golden week en mai, une tétrachiée de jours fériés (au moins un par mois, toujours un lundi en général). 2 mois de grandes vacances (tu termines fin janvier, parfois mi janvier et tu reprends début avril). Et même des vacances d'été d'un mois et demi. Du coup c'est clair que tu peux bosser super intensivement pendant 3 mois de suite (sauf à l'université où c'est globalement la glande), mais à côté de ça tu bosses que 8 mois dans l'année, pas de quoi chialer!

Et effectivement tout est sur concours, pour les universités plutôt moyennes suffit généralement d'aligner le pognon. Et si t'es pauvre on te fait un prêt à 0% (une bourse que tu dois rembourser :P). Mais là mes potes étaient assez moyennement au courant puisqu'ils étaient pas concernés par ce système.

Anonyme a dit…

Y'a un des grandes vacances entre Janvier et Avril ? Je savais pas ça. Je croyais qu'ils bossaient quasiment jusqu'à la fin Mars avec juste quelques jours fériés. Comme quoi. Merci pour ces infos :)

Korari a dit…

Pour te donner une idée, j'ai un exam le 23 janvier, ensuite vacances et je ne reprend que le 29 mars.

Entre temps ce sont leurs grandes vacances, moi je reprendrait un second semestre, mais pour les japonais c'est une nouvelle année scolaire qui débute. Le monde n'est donc pas aussi cruel! ^_^

Manuel a dit…

Oui, et c'est pas près de s'arranger en France avec le bande de neuneus au pouvoir. Il parle encore de baisser le nombre de postes d'enseignants. (mais pas de souci pour trouver de l'argent pour l'industrie automobile ça non!!!)

Le niveau scolaire en France vient aussi d'un système aux méthodes à bout de souffle (s'il n'y avait que les moyens).
Je ne suis pas sûr que les gouvernants actuels mesurent la gravité de la merde dans laquelle ils mettent le pays, surtout en imitant comme des perroquets les préceptes de la pensée néo-libérale.
Enfin nous n'en sommes pas rendu à faire voir des publicités aux élèves avant la classe comme ça existe aux Etats-Unis... (mais par contre la marseillaise n'est pas loin.)

Korari a dit…

Manu, si tu pouvais éviter de transformer mon blog en tribune politique j'apprécierais.
La politique il y en a assez partout ailleurs pour qu'on évite d'en tartiner ici. :P

Si ça colle vraiment au sujet pas de souci, mais là j'ai vraiment du mal à voir autre chose que du prosélytisme dans certains de tes commentaires. Et j'ai aucune envie que mon blog devienne comme le PMU d'un petit village. :ninja:

Kloritera a dit…

Remarque, s'il est obligé de le faire dans les commentaires, c'est que c'est peut-être pas assez développé dans l'article ... :rolleyes: ^^